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Les 20 ans de la librairie du château

Corps & Ame

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Synopsis

Mária, nouvelle responsable du contrôle de qualité et Endre, directeur financier de la même entreprise, vivent chaque nuit un rêve partagé, sous la forme d'un cerf et d'une biche qui lient connaissance dans un paysage enneigé. Lorsqu'ils découvrent ce fait extraordinaire, ils tentent de trouver dans la vie réelle le même amour que celui qui les unit la nuit sous une autre apparence...

Ours d'or à la 67ème Berlinale

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Des critiques

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La réalisatrice hongroise fait d’une histoire d’amour a priori banale entre deux employés d’abattoir, un film étrange qui ausculte les relations humaines en profondeur. Poétique et grinçant, “Corps et âme”, Ours d’or du festival de Berlin 2017. Rencontre.

Un homme et une femme s’abordent timidement dans l’abattoir où ils travaillent… Avec Corps et âme, la Hongroise Ildikó Enyedi signe un des plus curieux films d’amour qui soient, salué par l’Ours d’or du festival de Berlin 2017. Rencontre avec une cinéaste aussi réfléchie qu’audacieuse. 

Avec Corps et âme, avez-vous voulu faire un film sur l’amour ?

Mon film est une histoire d’amour, mais pas seulement. Si j’ai choisi de raconter une histoire d’amour, c’est parce qu’il s’agit de la forme de relation humaine la plus forte qui soit. C’est pourquoi tant de films racontent des histoires d’amour : elles permettent de dire énormément de choses, de parler de soi et des autres, et toutes ces choses sont comprises par tout le monde, même par ceux qui ne sont pas amoureux. L’amour est une condition humaine extrême.

 

 

“L’amour, c’est l’humanité à son meilleur.”

 

Extrême ?

Oui, l’amour est le risque suprême. Pour parvenir à connaître cette relation de confiance et de partage avec l’être aimé, il faut oser s’ouvrir totalement à l’autre. Mais la plupart des gens ne le font pas. Il y a toujours un peu de réserve, un peu de défense. Ça gâche l’amour et c’est dommage ! Car l’amour, c’est l’humanité à son meilleur. Quand on est amoureux, on voit ce qu’il y a de plus beau et de plus précieux dans la personne aimée. Accepter l’autre totalement, c’est une forme extrême de communication. Mais c’est ainsi que l’on fait partie de l’humanité.

Votre film montre la beauté d’une relation humaine mais aussi la difficulté, voire la souffrance pour y parvenir. Vous vouliez donc aller, justement, aux extrêmes ?

Oui, c’est un film de contrastes. Quand on voit le sang, c’est presque la seule couleur chaude car toutes les ambiances du film sont assez froides : on est donc alors à la fois dans la dureté et dans la vie. Le sang est une image merveilleuse et terrible en même temps. Dans Corps et âme, les choses ne s’opposent pas mais forment un tout. 

Les deux personnages de votre film ont-ils une dimension symbolique, le masculin et la féminin ?

Oui, mais pas pour dire que les hommes sont brutaux et que les femmes sont fragiles. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer l’homme et la femme luttant chacun de son côté contre l’isolement, contre la peur de s’ouvrir à l’autre. Je voulais que les spectateurs puissent se sentir proches de lui comme d’elle. Pour ma part, je comprends aussi profondément le personnage de l’homme que celui de la femme.

 

 

“Ces évanouissements devant le ‘Corps et âme’ sont pour moi le signe que les gens sont vraiment entrés dans le film.”

 

Cet homme a un handicap physique, cette femme est, en quelque sorte, handicapée émotionnellement : que voulez-vous dire à travers ces faiblesses partagées ?

Nous nous voyons toujours comme des êtres incomplets. C’est pour cela qu’il existe des représentations de l’homme comme l’image de Superman, qui nous renvoie, par opposition, à cet être humain imparfait que nous voyons dans notre miroir. Car nous pensons toujours que les gens autour de nous sont plus forts, plus équilibrés, plus efficaces. Alors, nous nous protégeons. Dans mon film, je montre comment chacun est amené à jouer un rôle pour se protéger. Les relations humaines deviennent un système de défense. Mais je montre aussi que, profondément, chacun n’aspire qu’à être accepté par les autres.

Certaines images de votre film sont violentes, notamment parce que les personnages travaillent dans un abattoir. Au festival de Berlin, les présentations publiques de Corps et âme ont été marquées par une série d’évanouissements. Comment l’avez-vous vécu ?

Ces évanouissements se sont reproduits partout. Pour moi, c’est le signe que les gens sont vraiment entrés dans le film. Face à un film, on peut tout le temps se dire que c’est du cinéma, des artifices, des trucages. Mais avec Corps et âme, il se passe quelque chose de plus fort : les gens sont vraiment immergés dans le film. Et c’était mon intention. J’aurais pu mettre en scène mes personnages comme dans les merveilleux films d’Aki Kaurismäki : avec un peu de décalage, avec un style très marqué, un regard très présent. Pour Corps et âme, j’ai préféré faire exactement le contraire : m’effacer en tant qu’auteur. Et j’ai demandé la même chose à tous les techniciens. Nous avons tous fait un grand travail de création mais ensuite nous avons effacé les traces de notre travail. Pour que les spectateurs soient directement avec les personnages.

 

“Je voulais viser la même intensité que Wong Kar-wai, à travers des choix esthétiques différents.”

 

Vouliez-vous choquer, provoquer un électrochoc ?

Je ne voulais pas choquer avec des images choquantes. Je pense que les évanouissements disent quelque chose sur nous tous : comme nous trichons chaque jour, comme nous contrôlons ce qui nous vient du monde extérieur et des autres. On dîne devant la télé en regardant les informations, qui déroulent la plupart du temps des images de mort, mais on continue le repas. Notre système de défense est très au point. Nous nous disons : “Mon Dieu, c’est horrible de penser à la manière dont mon téléphone portable a été fabriqué, en exploitant des gens qui travaillent seize heures par jour dans des conditions inhumaines, mais c’est tellement beau, ce smartphone, alors je filtre, je ne retiens que la beauté.” Dans mon film, il n’y a pas de filtre. Je montre ce qui se passe sans effet de cadre ni de rythme, sans musique, d’une manière très simple. Je montre des gens qui prennent le café le matin, commencent leur journée de travail à l’abattoir, tuent les animaux, vont manger à midi, fument une cigarette, continuent à tuer, rentrent à la maison. Pour moi, la cruauté est dans ce déroulement d’une régularité impitoyable. C’est par cette régularité que je voulais choquer.

Sur la relation amoureuse, des films ont-ils guidé votre travail ?

Je n’ai montré à mon chef opérateur qu’un seul film : In the mood for love, de Wong Kar-wai. C’est une vision somptueuse de la relation amoureuse, qui n’a a priori rien à voir avec Corps et âme. Mais je voulais qu’on travaille de la même façon, dans une approche émotionnelle, sensorielle, sensuelle, en atteignant une sorte d’immense tension et de richesse sous l’apparence quotidienne et banale. Je voulais viser la même intensité que Wong Kar-wai, à travers des choix esthétiques différents : il s’agissait d’immerger le spectateur dans chaque scène, pour qu’il ne soit jamais placé en observateur de ces personnages un peu étranges, et qu’il puisse ainsi partager leur expérience de l’amour.

Vos impressions sur le film

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