Les enfants des autres Jeudi 20 Octobre 20h30
Une enseignante (Virginie Efira) rencontre un père célibataire (Roschdy Zem) durant un cours de guitare. Ils tombent amoureux et se pose bientôt pour l'une la question de savoir quand rencontrer l'enfant de l'autre. Avant de décider s'il est encore temps d'en faire un à soi. D'un questionnement à la fois particulier et universel, Les Enfants des autres propose une exploration intime et bouleversante d'un versant rarement abordé de la parentalité comme de la féminité.
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Synopsis et détails
Rachel a 40 ans, pas d'enfant. Elle aime sa vie : ses élèves du lycée, ses amis, ses ex, ses cours de guitare. En tombant amoureuse d'Ali, elle s'attache à Leila, sa fille de 4 ans. Elle la borde, la soigne, et l'aime comme la sienne. Mais aimer les enfants des autres, c'est un risque à prendre…
A Ecouter
Critiques
Virginie Efira, une quadragénaire sans enfants s’attache à la fille de son compagnon, Roschdy Zem. Un sujet rarement abordé au cinéma, traité avec une justesse lumineuse par Rebecca Zlotowski.
Il existe un curieux terme médical, plutôt humiliant, pour désigner une femme sans enfant ou du moins qui n’a pas accouché : nullipare. Déjouer la part négative contenue dans ce terme est clairement le projet de ce film plein d’allant, qui débute sur l’image d’une tour Eiffel illuminée. Ce n’est pas un conte de fées, encore que brille l’étincelle de l’amour. Voici Rachel, une femme de 40 ans, de confession juive. Elle est enseignante de français dans un collège parisien. Épanouie malgré un certain manque : elle est sans enfant et désireuse d’en avoir. Elle sait que pour elle le compte à rebours est lancé. Une opportunité se présente lorsqu’elle rencontre Ali (Roschdy Zem, séduisant au naturel) dans un cours de guitare. Tous deux s’éprennent l’un de l’autre. Une histoire sérieuse débute. Lui a une enfant, une fille de 5 ans, Leïla. Au fil des jours, Rachel s’attache de plus en plus à elle. En attendant de tomber peut-être enceinte, elle couve Leïla comme si c’était sa propre enfant.
Ce statut compliqué de « belle-mère » a été très rarement abordé au cinéma, sinon de manière caricaturale. Rebecca Zlotowski (Grand Central, Une fille facile) s’en empare de manière originale, en traitant chacune des situations auxquelles Rachel se retrouve confrontée avec justesse. Une justesse vibrante, toute musicale, où la joie et le tourment semblent indémêlables. Car bien sûr, il y a des paroles blessantes, un sentiment d’exclusion, une place difficile à trouver. La force des Enfants des autres tient beaucoup à cet équilibre que la réalisatrice a su trouver : de l’émotion, mais en évitant avec soin le pathos du mélodrame. La BO, riche et harmonieuse (avec des chansons d’Yves Simon, Doris Day, Georges Moustaki…), donne le ton, entre réalisme et romanesque.
Virginie Efira dans une prestation rayonnante
Les ouvertures à l’iris, les fondus au noir font penser à Truffaut. Mais à un Truffaut qui serait résolument politique. Car la réalisatrice envisage Rachel comme une héroïne offensive, désirante et désirable, un symbole de femme de cœur, d’intelligence et d’action. Le contraire d’une victime. Le personnage est très investi dans son travail, faisant tout pour pousser vers le haut l’un de ses élèves en difficulté. Aussi audacieuse que son personnage, Rebecca Zlotowski en vient à rendre crédible un type de lien très loin des clichés entre Rachel et la mère de Leïla (Chiara Mastroianni) : un lien adulte et responsable.
On devine çà et là que l’auteure a glissé beaucoup d’éléments autobiographiques. Mais cette dimension personnelle se fond dans la fiction, universelle, facile d’accès. Virginie Efira livre une prestation rayonnante, pleine d’énergie vitale. Un moment, la caméra la suit dans la rue et filme son visage en plans rapprochés, assez longuement. C’est une séquence libre, généreuse, comme un cadeau. Amour, amitié, complicité, sororité, tout cela transparaît alors dans le regard de la cinéaste sur celle qui l’a si joliment inspirée.
KIDS ARE NOT ALL RIGHT
C’est l'une des toutes premières scènes des Enfants des autres. Dans une salle de classe plongée dans la pénombre à la faveur de la projection d’un film, les élèves s’ennuient, se délassent ou se passionnent, tandis que Rachel, leur enseignante, les observe avant de se passionner pour les messages qui illuminent son téléphone, et par la même, son visage. Ce type de séquence abonde dans l’histoire du cinéma, et pourtant cette ouverture simple fait montre d’un savoir-faire évident, qui engendre une immersion instantanée. Et pour cause, son montage constitue une véritable démonstration de force.
Le sens du tempo y est limpide, tant le moindre plan semble toujours démarrer puis s’interrompre sur l’image juste, tant le rythme interne des scènes s’avère équilibré. Rebecca Zlotowski fait avec son nouveau long-métrage une profession de foi dans le détail. Non pas que le tout ne soit pas traversé d’authentiques intentions de mise en scène, de réflexions poussées dans la composition tant des plans que dans l’architecture du récit, mais celles-ci n’existent que pour nous révéler une myriade de détails.
Une famille nouvelle ?
Si parfois le diable s’y niche, ici, c’est le cinéma qui s’y déploie. Dans un regard appuyé, dans l’érotisme d’une silhouette dévoilée, puis masquée, dans la buée d’une salle de bain, quand une main s’attarde sur les cheveux denses d’un enfant, ce sont autant de bribes d’humanité qui surgissent. Il est d’ailleurs frappant de constater comme la cinéaste réutilise quelques effets de style déjà croisés dans sa filmographie, notamment les fondus au noir, pour en repenser la signification.
Point de coquetteries ici ou de formes discursives. Le long-métrage vise à atteindre une qualité organique, qu'il maintiendra tout du long. Sous les airs anecdotiques (jusqu'au dernier acte) de la plupart des rebondissements, c'est au contraire un soin immense qui est apporté à l'écriture.
Rachel a la quarantaine, et sait qu'elle ne pourra plus faire l'économie de se demander si et comment devenir mère. Mais sa nouvelle histoire d'amour ne laisse peut-être pas la place à cette interrogation. Séquence après séquence, le scénario s'interroge sur comment donner corps aux questionnements de ses personnages. Et si on y parle, ce n'est jamais pour esquiver la grammaire du cinéma, bien au contraire. Comme si le film attrapait toujours ses personnages au milieu d'une action sur le point de faire sens, il observe avec acuité comme ces hommes et ces femmes parlent. D'eux. De leurs enfants. Et le spectateur de constater avec quelle humble maestria la réalisatrice chronique leurs parcours.
Comment se lier, se lier comment
MATER DOLOROSA
Les précédents films de la réalisatrice se sont toujours penchés sur des femmes dont les désirs se heurtaient à la conception du bien ou de la “vie juste”, tels que conceptualisés par la société environnante. Des ambitions ou volontés contrariées, parfois appréhendées avec un regard théorisant. On se souvient que dans Grand Central ou Belle épine, le travail sociologique effectué par Zlotowski sur des milieux aussi différents que les sous-traitants du nucléaire ou les cercles de ce qu’on n’appelait pas encore les rodéos urbains avait beau être sérieux, il lui manquait encore une dimension organique.
C’est ce qu’elle découvre ici avec bonheur, et laisse éclater à l’écran. Peut-être parce que le récit qu’elle déroule est pour partie plus autobiographique. Peut-être ou plus sûrement, parce qu’elle trouve ici un point d’équilibre remarquable avec son duo de comédiens, dont la proximité avec sa caméra, mais aussi l’un avec l’autre, saute littéralement aux yeux. Après des années de rôles de durs minéraux toujours partants pour casser des bouches, Roschdy Zem dévoile un aspect infiniment plus tendre, sensible et séduisant, qui donne à chaque séquence le sentiment d’assister à la réinvention d’un immense acteur.
Explorer une rencontre
Mais c’est la complicité cristalline entre la metteuse en scène et Virginie Efira qui achève d’impressionner. Tout d’abord parce que la capacité de l’une à incarner les problématiques que structure la caméra de l’autre est touchante d’intensité, mais également parce que sous couvert d’un énième drame intimiste, elles étendent leur sujet jusqu’aux rivages d’un universel inattendu.
Alors que la figure de la belle-mère est connue en histoire de l’art, et aussi au cinéma, pour être synonyme d’intrigues et de tourments, Rebecca Zlotowski en use à une tout autre fin : questionner le sens de la parentalité et la figure, presque jamais représentée sereinement, de la femme nullipare. Comment transmet-on ? Quels sont les liens qui nous lient et à quelles épreuves peuvent-ils être soumis avant de rompre ? Ne pas enfanter, est-ce n’être jamais le parent d’un enfant ? En offrant à notre regard le sien avec tant de clarté, la cinéaste a fait la plus belle déclaration d’amour qui soit aux enfants des autres.
Les familles recomposées, la parentalité, la construction de l’identité permise ou empêchée par le biais du noyau parental, toutes ces questions ont beaucoup été représentées dans le cinéma contemporain. Il est, dès lors, très étonnant de rencontrer un film qui donne le sentiment de découvrir pour la première fois une histoire, une pensée, autour de concepts aussi rebattus et classiques. C’est ce que fait avec talent Rebecca Zlotowski pour son cinquième long-métrage Les enfants des autres, présenté en compétition officielle à la Mostra de Venise. Virginie Efira y joue Rachel, enseignante de 40 ans qui rencontre l’amour dans son cours de guitare en la personne d’Ali, père séparé de sa femme Alice. La petite Leila, du haut de ses quatre ans et demi, va devenir une personne essentielle dans la vie de Rachel, sans que sa place ne soit jamais ni vraiment définie ni assurée à ses côtés.
Cette situation typique de comédie dramatique pourrait n’être qu’une nouvelle version du couple destiné à se déchirer avec pertes et fracas, jusqu’à un éventuel dénouement heureux où chacun trouve son compte avec un lot de bonheur équivalent. Ce n’est pas ce genre d’histoires que veut raconter une Rebecca Zlotowski, déployant un univers d’une finesse et une subtilité admirable. L’intrigue révèle une sensibilité magnifique dans son premier tiers quand Rachel, dans une discussion prononcée à voix basse et tranquille, qu’elle se rend compte qu’elle a honte d’avouer de cette façon que oui, finalement, elle pense à la maternité et que, selon son gynécologue – superbe apparition du cinéaste Frederick Wiseman -, elle doit le faire le plus vite possible pour avoir une chance de réussite. Cette scène est à l’image de tout le film : on ne crie jamais dans Les enfants des autres, on prend le temps de se parler, de partager ses idées, et si l’on s’en veut, on le formule avec une dignité confondante.
Cette partie consacrée au couple formé par Virginie Efira et Roschdy Zem ne façonne pas tout le contenu du film. À coté de cela, on retrouve d’autres personnages, la sœur et le père de Rachel, qui permettent de mieux la connaître et de comprendre son cheminement personnel qui l’amène à quarante ans à un désir de maternité tardif. Ces très beaux moments de confession, presque psychanalytiques, nous renvoient à nos propres parcours. La situation d’Ali et Alice, amusante assonance, permet à Rachel d’opérer une mise en abime de ses propres choix et de révéler au spectateur les décisions prises par le passé qui pèsent lourdement dans le présent. Le film présente aussi une femme qui a de multiples occasions de prendre soin des autres, dessinant la possibilité que la maternité n’est pas une fin en soit pour elle, et que même à son âge, plusieurs chemins s’offrent toujours à elle pour envisager un bonheur qu’elle mérite au même titre que les femmes de son entourage déjà mères.
Cette intelligence dans l’analyse et dans l’écriture fait des Enfants des autres un film rare, mais également précieux, de ceux qui donnent de la force à toutes celles qui en ont cruellement besoin, loin d’un quotidien qui pointe du doigt ces femmes qu’on dit « nullipares », littéralement n’ayant pas porté d’enfants. Pour cette somme de finesse et de dialogues d’une grande qualité, Les enfants des autres constitue un film important qui va faire date et bouleverser toute une génération en mal de repères et de certitudes quant à son avenir et aux choix à effectuer dans sa vie d’adulte encore en construction. La dimension universelle du discours de Rebecca Zlotowski est l’ultime cadeau délivré par son film qui confirme la grande artiste qu’elle promettait d’être dès Belle Épine il y a douze ans – où s’exprimait une délicatesse et une intelligence bouleversantes.
Fiche technique
CASTING
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Rachel : Virginie EFIRA
Ali : Roschdy ZEM
Alice : Chiara MASTROIANNI
Leila : Callie FERREIRA-GONCALVES
Louana : Yamée COUTURE
Vincent : Henri-Noël TABARY
Dylan : Victor LEFEBVRE
Paul : Sébastien POUDEROUX de la Comédie Française
Le père : Michel ZLOTOWSKI
Mme ROUCHERAY : Mireille PERRIER
Dr WISEMAN: Frederick WISEMAN
Mia: Antonia BURESI
Soraya : Marlène SALDANA
Jeanne : Anne BEREST
Tarik : Marwen OKBI -
LISTE TECHNIQUE
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Réalisatrice : Rebecca ZLOTOWSKI
Scénariste : Rebecca ZLOTOWSKI
1er assistant mise en scène : Jean-Baptiste BRUNEAU POUILLOUX
2e assistant mise en scène : Olivier SAGNE
Scriptes : Cécile RODOLAKIS & Marion BERNARD
Directrice de casting : Christel BARAS
Chargée de la figuration Paris : Anne Bénédicte THIAM
Chargée de figuration Région SUD : Manon COLOMB DE DAUNANT
Directeur de la photographie : George LECHAPTOIS
Chef opérateur Son : Cédric DELOCHE
Cheffe costumière : Bénédicte MOURET
Cheffe maquilleuse : Amélie BOUILLY GARNIER
Chef coiffeur : Rudy MARMET
Cheffe décoratrice : Katia WYSZKOP
Directeur de production : Albert BLASIUS
Régisseur général : Eric SIMILLE
Cheffe monteuse : Géraldine MANGENOT
Chefs monteur son : Thomas DESJONQUERES & Bruno REILAND
Mixeur : Jean-Paul HURIER
Musique originale : ROB -
Production : LES FILMS VELVET
Producteur : Frédéric JOUVE
Productrice associée : Marie LECOQ
Assistés de Njoki NYOLI, Maximilien ALLIX et Clémence de ROUVRAY
Coproduction : France 3 Cinéma
Les interviews
Rebecca Zlotowski : « Je suis très libérale sur les questions sentimentales et familiales. » la suite de l'article plus
LA RENCONTRE AVEC ROB ET REBECCA ZLOTOWSKI EN ÉCOUTE !
Le tandem formé du compositeur ROB et de la cinéaste Rebecca Zlotowski était l'invité du festival Premiers Plans 2017 pour une leçon de musique de film animée par Benoit Basirico, en partenariat avec la SACEM. La voici en écoute intégrale.